Hébergement d’urgence : la justice reconnaît que c’est un droit inconditionnel pour tout sans-abri en détresse
Il existe un droit inconditionnel à l’hébergement d’urgence, selon le tribunal administratif de Toulouse. • © Mathieu Herduin / MaxPPP
Écrit par Aude Henry FR3 Régions
Publié le 29/02/2024 à 19h08 Mis à jour le 01/03/2024 à 09h13
Un préfet peut-il décider de mettre un terme à l’hébergement d’urgence de personnes seules ou de familles au motif que celles-ci sont en situation irrégulière ? La question était examinée par le tribunal administratif de Toulouse. Voici ce qu’il faut en retenir.
Le tribunal administratif de Toulouse annule un ensemble de décisions du préfet de Haute- Garonne mettant un terme à l’hébergement d’urgence de personnes seules et de familles, annonce, ce jeudi 29 février 2024, la juridiction dans un communiqué.
L’hébergement d’urgence, un droit inconditionnel
Pour motiver ses décisions le tribunal s’est fondé sur le Code de l’action sociale et des familles. Celui-ci prévoit notamment que “toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale, a accès à tout moment, à un dispositif d’hébergement
d’urgence.“
Et pour les juges, cela signifie qu’un droit inconditionnel à l’hébergement d’urgence est par là même instauré. “Compte tenu de la formulation du texte, le tribunal a jugé que “toute
personne” en situation de détresse peut en bénéficier, sans que la régularité ou l’irrégularité de son séjour en France ne puisse être prise en compte.“
Le tribunal estime également qu’une demande de mise à l’abri d’un “sans-papiers” n’empêche pas la décision et l’exécution d’une obligation de quitter le territoire français, le cas échéant.
Le tribunal, qui statuait sur une requête non introduite en urgence, a estimé qu’il n’avait pas à prendre en compte l’irrégularité du séjour des intéressés, ni la circonstance que le dispositif
d’hébergement d’urgence soit saturé en Haute-Garonne.
Pas de limite dans la durée
Autre aspect relevé par le tribunal administratif de Toulouse : le préfet peut-il décider de la fin d’une mise à l’abri au motif que la personne bénéficiaire a déjà bénéficié d’un certain nombre de nuits dans un hôtel social ? La réponse est non.
Les juges ont ici examiné la requête d’une dame, prise en charge en mai 2020. Elle va bénéficier de 1 103 nuits d’hébergement d’urgence jusqu’à ce que le préfet décide d’y mettre fin en mai 2023. Or, cette dame est “malvoyante, souffre d’une hypertension artérielle, de troubles cognitifs et de douleurs thoraciques“, selon un certificat médical joint à son dossier. Elle nécessite un suivi médical régulier.
Des décisions fondées sur un nombre trop important de nuitées de prise en charge sont entachées d’erreurs de droit et sont annulées.
Rappelons que les juges estiment que le droit à l’hébergement d’urgence est inconditionnel pour les personnes sans abri en situation de détresse. Le tribunal qui a examiné, au cas par cas, la situation dans laquelle se trouvaient les intéressés à la date de chaque décision attaquée, indique avoir demandé au préfet de reloger certains d’entre eux.
Dans un communiqué, Pierre-André Durand, préfet de la Haute-Garonne, dit “prendre acte de la position du tribunal administratif, qui considère que l’inconditionnalité de l’accueil ne peut être limitée dans le temps.“
Toutefois, c’est pour faire en sorte que ce principe puisse toujours être mis en œuvre que des fins de prises en charge sont nécessaires après examen des situations, afin de permettre l’accueil de nouveaux bénéficiaires en hébergement d’urgence.
Le préfet se réserve la possibilité de faire appel au cas par cas.